MODE : “Temple of Love”, Rick Owens ou l’élégance de l’ombre

Le Palais Galliera s’habille en noir et béton pour célébrer le créateur des confins. Jusqu’au 4 janvier 2026, Rick Owens y installe son “Temple of Love”, une exposition totale, rugueuse, lumineuse, qui interroge notre idée même du beau.

Photos : Palais Galliera/Rick Owens/Kbsp/DR

L’amour est un temple

Tout commence dans un souffle. Celui que provoque le contraste entre les colonnes de pierre du Palais Galliera et l’architecture intérieure que Rick Owens y insuffle : brutalisme raffiné, spiritualité industrielle, mélancolie californienne. “Temple of Love”, c’est bien plus qu’un hommage,  c’est une plongée dans l’âme d’un créateur qui parle d’amour avec une tension silencieuse. L’exposition couvre l’ensemble de sa trajectoire : de ses débuts dans les rues de Los Angeles à la conquête des podiums parisiens. En fil rouge, un style insaisissable, fait de drapés sombres, de cuir brutal, de coupes architecturales et de silences hurlants.

Michèle Lamy, la muse-oracle

Comment parler de Rick Owens sans évoquer Michèle Lamy ? Elle est là, partout, dans les vidéos, les installations, les souvenirs recréés. Leur chambre californienne reconstituée devient presque un lieu de culte. On devine les éclats de voix, les idées qui naissent la nuit, les rituels étranges et l’énergie complice. Michèle n’est pas seulement sa muse, elle est l’autre moitié de son langage. À travers elle, Rick Owens dialogue avec l’ésotérisme, le scandale, le sacré. Ensemble, ils construisent une esthétique de la marge, une élégance qui dérange, une beauté qui dérange encore davantage lorsqu’elle ose être sincère.

Une matière vivante

Photos : Palais Galliera/Rick Owens/Kbsp/DR

Le parcours se déploie comme un souffle long, parfois suffocant, parfois bouleversant. Une centaine de silhouettes, des archives rares, des vidéos fragmentées, des œuvres d’art signées Gustave Moreau, Steven Parrino ou Joseph Beuys. On circule, fasciné, dans une dramaturgie textile où chaque couture semble contenir un secret ou un cri. Le jardin du musée, lui aussi, est saisi par l’esprit Owens : ciment sculpté, espèces florales chéries de l’enfance, comme l’ipomée bleue, réinstallée là avec tendresse sauvage. La lumière naturelle, rare dans les musées, devient ici matière de création. Elle éclaire une esthétique que l’on croyait nocturne pour mieux en révéler la délicatesse.

Rick Owens, prophète des temps modernes

Sous ses airs de créateur reclus, Rick Owens parle de notre époque plus clairement que bien des cris. Sa mode, empreinte d’underground et d’art sacré, déjoue les normes avec précision et conviction. Il défile pour ceux que l’on ne regarde pas, imagine des corps libérés des injonctions classiques, construit une masculinité inédite, presque mystique. Et à travers ses noirs profonds, ce sont nos paradoxes qui apparaissent, à peine maquillés.

Photos : Palais Galliera/Rick Owens/Kbsp/DR

Une exposition-choc, une confession en noir

“Temple of Love” n’est pas une exposition rétrospective. C’est un rite. où le visiteur est invité à ressentir plutôt qu’à comprendre, à se perdre plutôt qu’à suivre. C’est un poème physique où chaque pièce, chaque sculpture, chaque silence nous questionne : et si l’amour, le vrai, n’était ni doux ni lumineux, mais intense, radical, brut ?

En bref

Exposition “Rick Owens. Temple of Love”, du 28 juin 2025 au 4 janvier 2026. Palais Galliera, musée de la mode de Paris

10 avenue Pierre Ier de Serbie, 75116 Paris.

Photos : Palais Galliera/Rick Owens/Kbsp/DR