Gaza : Mémoire sauvée d’une terre millénaire

À travers une exposition poignante à l’Institut du Monde Arabe, le patrimoine plurimillénaire de Gaza, menacé par les conflits, retrouve la lumière. Une plongée au cœur d’une enclave palestinienne où l’histoire dialogue avec la résistance. Par Vicenne et Juliette Goût

Photos : Juliette Goût/IMA/DR

Sous les voûtes élégantes de l’Institut du Monde Arabe (IMA) à Paris, se dévoilent les fragments d’une histoire qui semble vouloir s’effacer. L’exposition « Trésors sauvés de Gaza, 5 000 ans d’histoire », ouverte jusqu’au 2 novembre prochain, présente une sélection extraordinaire de 130 artefacts : lampes à huile patinées, amphores, mosaïques éclatantes, figurines en bronze ou marbre, stèles funéraires et statuettes de divinités. Ces vestiges, témoins silencieux de civilisations égyptienne, assyrienne, perse, romaine ou encore byzantine, racontent la richesse culturelle d’une terre devenue lieu de passage entre Orient et Occident.« Cette exposition est un acte de résistance », affirme Jack Lang, président de l’IMA, en inaugurant cet hommage vibrant à Gaza. Face à la destruction et aux massacres récents, il ajoute : « La riche histoire de Gaza doit retrouver la lumière. Rien n’est pire que l’abandon et l’oubli… Le patrimoine archéologique irrigue l’identité palestinienne contemporaine et sa préservation est indissociable du respect des droits humains. »

Photos : Juliette Goût/IMA/DR

Des trésors exilés et préservés

Les pièces exposées proviennent de la collection de Jawdat Khoudary, magnat de l’immobilier et grand défenseur de l’héritage de Gaza, qui en avait fait don à l’Autorité palestinienne. Exfiltrées en Suisse en 2006 pour une exposition temporaire au Musée d’art et d’histoire de Genève (MAH), ces reliques n’ont jamais pu retourner à Gaza, bloquées par les conflits et le blocus israélien. Aujourd’hui, elles s’offrent aux regards à Paris, leur retour étant toujours incertain.

Une carte de la destruction

En parallèle, l’exposition révèle l’ampleur des pertes culturelles subies par Gaza. Selon l’UNESCO, au moins 69 sites culturels ont été gravement endommagés : lieux de culte, monuments historiques, dépôts de biens culturels. Parmi eux, l’église grecque-orthodoxe de Saint-Porphyre, emblématique de Gaza, a été réduite en ruines. Le monastère de Saint-Hilarion, inscrit sur la liste du patrimoine mondial en péril, fait partie des trésors menacés. Ces données, accompagnées de cartes et de photographies inédites, témoignent du poids des destructions. Un paysage autrefois riche en palmeraies, jardins et ports pittoresques s’est transformé en champs de désolation au fil des guerres, depuis la Grande Guerre jusqu’aux récents affrontements.

Photos : Juliette Goût/IMA/DR

Scénographie née dans l’urgence

L’exposition trouve également son origine dans les échos d’un conflit. En fin 2024, alors qu’un projet sur le site archéologique de Byblos au Liban était en cours, les bombardements ont empêché sa réalisation. C’est dans ce contexte de crise que l’idée des «Trésors de Gaza» a pris forme, portée par l’urgence et la résilience. « On a eu quatre mois et demi pour la monter. Ça n’était jamais arrivé », confie Élodie Bouffard, commissaire de l’exposition. La mise en scène a été confiée à Elias et Youssef Anastas, architectes et designers palestiniens renommés. Leurs créations, explorant les liens entre artisanat et architecture, rendent hommage au patrimoine de Gaza tout en inscrivant ce projet dans une démarche contemporaine.

Photos : Juliette Goût/IMA/DR